Le Livre d’Esther, toujours d’actualité, l’est aussi sur le plan linguistique puisqu’il contient nombre d’expressions communément employées aujourd’hui.
Aman gagna précipitamment sa maison, accablé de tristesse et la tête basse,אבל וחפוי ראש (avel vehafouy roch), deux expressions aujourd’hui encore souvent associées ou employées séparément. On parle ainsi du sentiment de quiconque ayant subit un échec ou une disgrâce, et on attendrait de nombre de prévenus qu’ils soient, comme le fameux corbeau, « honteux et confus ».
Avant de se présenter devant le roi, Esther dit à Mardochée (IV : 16): כאשר אבדתי אבדתי (caacher avadti avadti), si je dois périr je périrai. L’expression hébraïque, qui exprime l’angoisse devant un acte fatidique, s’emploie de nos jours, pour se donner du courage ou marquer le risque encouru. Selon le contexte, on la traduira par les locutions proverbiales françaises « advienne que pourra », « à la Grâce de Dieu »ou« Inch’Allah»ou même l’expression italienne « Che sera sera».
Les festins ou les cadeaux donnés par le roi sont évidemment à sa mesure ou « dignes de la munificence du roi ». כיד המלך (keyad hamélekh) reste une locution courante pour exprimer la générosité et l’abondance ou un présent « royalement » offert. Dans le même esprit, le roi encourage Esther à lui demander ce qu’elle veut « quand bien même ce serait la moitié du royaume »,עד חצי המלכות (ad hatsi hamalkhout), ce qui est l’équivalent du « tout ce que tu voudras » que toute âme généreuse dit à une personne à qui elle veut du bien ou, comme dit la meguila, חפץ ביקרו (hafatz béikaro) voudrait honorer. Aujourd’hui, on lit dans le journal qu’un tel a obtenu tel poste car tel haut-placé חפץ ביקרו (hafatz béikaro), avait à cœur de l’honorer. Si vous croyez que les méthodes ont changé et que le favoritisme n’existe plus, c’est tout le contraire, ou, toujours selon le Livre d’Esther (IX : 1): ונהפוך הוא (venaafokh hou).
Chaque époque, hélas, a connu son persécuteur de Juifs, צורר היהודים (tsorer hayehudim), à qui il était souvent vain de « demander grâce » comme tenta de le faire Aman s’adressant à Esther. De nos jours, l’expression לבקש על נפשו (levakesh al nafcho) s’emploie par exemple pour dire que la victime supplie son bourreau de l’épargner ou le coupable implore la clémence du juge.
Le Livre d’Esther nous raconte que le roi adressa des épîtres, « s’adressant à chaque province suivant son système d’écriture et à chaque peuple suivant son idiome, de même aux juifs selon leur écriture et selon leur langue ». De là nous vient l’expression ככתבו וכלשונו (kectavo ukelechono) signifiant tantôt « mot pour mot » (s’il s’agit d’une citation), « au pied de la lettre » ou « minutieusement » (au sens d’exécuter un ordre ou de remplir un formulaire sans les remettre en question).
Utilisez ces expressions et vous parlerez comme un Livre !
Ce post est tiré du livre de Fabienne Bergmann, L’hébreu parle aux Français, Editions Lichma, disponible dans les librairies françaises d’Israël, en France et sur le site https://www.lichma.fr