Le calendrier hébraïque est composé d’années solaires et de mois lunaires. Chaque mois commence avec la nouvelle lune. D’où, les deux mots signifiant « mois » : חודש (hodech), de la racine ח’ ד’ ש’, nouveau, et יֵרח (yerah), de יַרֵח (yaréah), la lune, laquelle détermine la durée du mois. Il existe aussi deux termes pour désigner le soleil: l’un, biblique, שמש (shémech), de la même racine que שימוש (chimouch), emploi ou jouissance, peut-être pour nous appeler à utiliser son énergie bénéfique et l’autre, de la langue des Sages, חמה (hama), évoquant la chaleur, mais également la colère, חֵמָה(héma).
Du calendrier hébraïque d’avant l’exil babylonien, on ne sait pas grand-chose. La Bible ne mentionne que trois noms de mois sur douze (Eitanim, Bul et Ziv). Un calendrier datant du temps du roi Salomon, gravé en hébreu biblique sur une pierre calcaire, découverte au site archéologique de Gezer en 1908 et actuellement au musée archéologique d’Istanbul, comporte quelques autres dénominations dont on ne sait si elles désignent les mois ou les saisons.
Les noms des mois selon lesquels s’égrènent les fêtes juives, sont des noms d’emprunt venant de déformations de noms akkadiens assimilés par le peuple hébreu pendant l’exil de Babylone. Ainsi, Eloul, le mois du repentir, vient de l’akkadien elulu, moisson, Tichri dérive de tašrītu, signifiant commencement et Tamouz n’est autre que le dieu babylonien de la fécondité. Le fait que notre calendrier, fondement de la vie juive, ait adopté ce terme aux relents d’idolâtrie porte à la réflexion. Est-ce un hommage aux connaissances astronomiques des Babyloniens ?
L’hébreu s’enrichit par l’akkadien de bien d’autres mots. Signalons notamment אשף (achaf), l’enchanteur ou le magicien, כישוף (kichouf), la sorcellerie et מזל (mazal), la fortune ou le destin.
Notre nouvel an, Roch Hachana, est le premier des dix jours dits redoutables allant jusqu’à Yom Kippour. Cette période est aussi désignée par l’expression בין כסה לעשור (ben kissé leéssor), כסה (kissé),de la racine כ’ ס’ ה’ recouvrir, signifiant la nouvelle lune, quand l’astre est couvert et à peine visible et עשור(essor) marquant le dixième jour.
A Roch Hachana, on sonne le chofar. Le verbe לתקוע (litkoa) désignant cette action s’emploie aussi pour le serrement de main scellant une alliance : תקיעת כף (tekiyat kaf), pour s’installer quelque part 🙂 תקיעת יתד tekiyat yeted) et… poignarder quelqu’un dans le dos : תקיעת סכין בגב(tekiyat sakin bagav), acte qu’on imagine rapide et en tout cas pervers, alors que la תקיעה tekiya, le premier son émis par le chofar, est longue et continue et nous invite au repentir…
La sonnerie de Tekiya est suivie de celle de שברים (chevarim), les brisures, sons courts et saccadés, qui s’enchainent sur ceux, très brefs et répétitifs, de תרועה (teroua), de la racine ת’ר’ע’, comme התרעה (hatraa), avertissement d’un évènement extérieur. L’homonyme de ce dernier, התראה − avec un alef et de la racine ת’ר’י’ − désigne un avis préalable ou un avertissement donné à quelqu’un avant un acte éventuel. Subtile nuance !
Ce post est tiré du livre de Fabienne Bergmann, L’hébreu parle aux Français, Editions Lichma, disponible dans les librairies françaises d’Israël, en France et sur le site https://www.lichma.fr