Peut-t-on comprendre un tel mot ?

Le mot שואה (Shoah) est le concept qui désigne l’extermination systématique des Juifs durant la Deuxième Guerre mondiale. Il désigne aussi l’époque de la Shoah, soit les années de guerre ou l’ensemble de la période nazie. Ce terme hébraïque s’est d’ailleurs imposé en français avec le film Shoah de Claude Lanzman (1985), remplaçant celui d’holocauste. Il figure déjà dans la Bible (Isaïe X : 3) et y désigne une terrible catastrophe, un désastre à grande échelle. Aujourd’hui, il tend à singulariser cette période terrible entre toutes et se démarque de ses synonymes הרס (hérès), destruction;  פורענות (pora’nout), calamité, désastre, malheur; אסון (asson), catastrophe; זוועה (zevaa), horreur, abomination, atrocité; צוקה (tsouka), calamité, désastre;  צרה (tsara), infortune, malheur; מצר (métser), détresse, misère; כליון (kilayon), annihilation, destruction totale; כליה (klaya), extinction, extermination; ou אבדון (avadon), destruction, dévastation; et même de רצח עם (rétsah am) ou השמדת עם (hachmadat am), génocide. Rien n’est comparable à la Shoah et le terme, selon certains, ne peut plus s’appliquer à un autre contexte. Qu’il puisse garder son sens premier et désigner aussi un désastre économique, שואה כלכלית (shoah calcalit), une catastrophe écologique, שואה אקולוגית (shoah écologuit) due à la pollution ou même une catastrophe nucléaire, שואה גרעינית (shoah garinit), choque certains. Et seul le terme de חורבן (horban), destruction, employé pour la destruction du Temple, dans l’expression חורבן יהדות אירופה (horban yahadout éropa), littéralement : la destruction du judaïsme d’Europe, soit l’anéantissement des Juifs en Europe, peut lui être synonyme.

Le mot s’emploie évidemment dans l’expression יום השואה (yom hashoah), le jour de commémoration de la Shoah et les rescapés de la Shoah sont les ניצולי שואה (nitsolé shoah).

להמיט שואה/ אסון (lehamit shoah / asson) signifie provoquer une catastrophe, אסון (asson) convenant plus si celle-ci est économique ou écologique et שואה si elle est nucléaire…

On trouve la forme verbale passive dans le verset וְהָאֲדָמָה תִּשָּׁאֶה שְׁמָמָה (vehaadama tichaé chemama), et que le pays, dévasté, soit devenu une solitude (Isaïe, VI : 11), qui exprime cette même dévastation totale.

Il est donc pour le moins surprenant –  c’est bien le cas de le dire –  de constater que la même racine ש’א’ה’ peut prendre un sens diamétralement opposé. Au verset 21 du chapitre XXIV de la Genèse, מִשְׁתָּאֵה (michtaé) est bel et bien traduit par « émerveillé » et désigne l’état d’Eliézer, devant Rébecca offrant d’abreuver ses chameaux. Aujourd’hui, ce verbe (au mode hitpael) s’emploie aussi au sens de « surpris » ou

« être surpris » et השתאות (hichtaout) signifie étonnement, surprise, stupéfaction, émerveillement.

On est surpris ? Cela certes demande explication. A suivre…

Ce post est tiré du livre de Fabienne Bergmann, L’hébreu parle aux Français, Editions Lichma, disponible dans les librairies françaises d’Israël, en France et sur le site https://www.lichma.fr

Retour haut de page
Aller au contenu principal