Yom Kippour est aussi désigné sous la forme plurielle de Yom Hakipourim. On le traduit souvent par « Jour du Grand Pardon », mais « jour d’expiation » serait plus précis. Ce jour où se scelle notre sort, on se salue d’un חתימה טובה (hatima tova), littéralement : bonne signature, exprimant bien l’enjeu du jour. La kapara représente l’acte ou la contrition devant amener le pardon.
La veille du jour le plus redoutable de l’année juive, la coutume est de faire des Kaparot en faisant tourner un coq au dessus de la tête pour lui faire symboliquement endosser tous nos péchés. La scène marque forcément les esprits et elle a donné naissance à une des expressions les plus imagées de la langue hébraïque : מביט כתרנגול בבני אדם (mabit kétarnégol bevnei adam), soit littéralement : « regarder comme un coq regarde les humains ». Elle s’applique à quelqu’un qui a un regard ahuri et ne comprend pas ce qui se passe autour de lui. Elle traduit en fait le même phénomène que son équivalent français: « regarder avec des yeux de merlan frit ». Une image animale concrète existe bien dans les deux langues, mais la référence est tout autre. Si l’évocation culinaire de l’une s’inscrit bien dans la culture française, le coq de l’autre n’a rien de gaulois. Il est expressément celui des kaparot, qui ne comprend mais à ce qui lui arrive alors que, tenu dans une main, on le fait tournoyer maintes fois au dessus de la tête (ou des têtes de toute une famille) en récitant des propos, pour le moins étranges pour un gallinacé, lus dans le livre de prières tenu de l’autre main. Le coq se retrouve donc face à des signes (des mots) qu’il ne peut évidemment déchiffrer: בני אדם יושבי חושך וצלמות (bnei adam yochvé hocheh ve tsalmavet), humains demeurant dans les ténèbres…. A ce moment crucial − et pour le moins étrange dans la destinée animale − ce n’est ni celui qui le brandit ni sa famille (donc des humains, comme on le croit parfois) que regarde le pauvre coq, mais bien les mots בני אדם(bné adam), humains, par lesquels commence l’incantation, qui sont inscrits dans le livre de prières face auquel il est tenu. Il est certain que son regard, alors, ne peut être celui de la compréhension !
Dans un registre beaucoup moins sophistiqué, on peut couramment entendre une autre expression évoquant le même cérémonial : צריך אותו לכפרות (tsarih oto lekaparot) signifiant ironiquement « on n’en a nul besoin » ou « il ne nous manquait plus que ça ».
On notera aussi, dans le langage parlé, l’exclamation Kapara !, avec accent tonique sur la deuxième syllabe, que l’on lance quand arrive quelque chose de désagréable pour souhaiter que l’évènement en question survienne à la place d’un autre, beaucoup plus pénible. On entendra aussi כפרה שלי(Kapara chéli), mot d’affection adressé à une personne aimée, accompagnant souvent un compliment… pour éloigner le mauvais œil.
Ce post est tiré du livre de Fabienne Bergmann, L’hébreu parle aux Français, Editions Lichma, disponible dans les librairies françaises d’Israël, en France et sur le site https://www.lichma.fr