Il n’est plus concevable dans le monde d’aujourd’hui d’interdire certaines professions ou fonctions aux femmes. Mais si « ce qui se conçoit bien s’exprime clairement », les mots pour le dire ne viennent pas obligatoirement aisément dans toutes les langues. Le français a du mal à féminiser certains termes et a besoin de plusieurs mots pour désigner une femme chauffeur, une femme agent de police, une femme officier ou une femme PDG pour ne donner que quelques exemples.
L’hébreu, lui, n’a aucun mal à désigner la נהגת (nahégèt au volant d’une voiture), la שוטרת (chotérèt qui règle la circulation ou arrête des trafiquants), la קצינה (ktsina ayant sous ses ordres soldats ou sous-officiers). Notons que Tsahal compte même dans ses rangs une אלופה (aloufa, ayant donc le grade de « générale »). Et à la tête de banques ou de grandes entreprises, on trouve aussi des מנכ »ליות (mankaliot, pluriel de mankalit, acronyme de מנהלת כללית – menahélèt clalit, soit PDG).
Chaque mot masculin a tout naturellement son pendant féminin. Ainsi le metteur en scène est במאי (bamaï) ou במאית (bamaït) ; le pilote, טייס (tayas) ou טייסת (tayesset) ; l’écrivain, סופר (sofer) ou סופרת (soférèt) ; l’agent immobilier, מתווך (metavekh) ou מתווכת (metavékhèt) ; le directeur de projet, מנהל מיזם (menahel meysam) ou מנהלת מיזם (menahélèt meysam), etc.
Signalons que l’Académie vient de décider (25.11.2012) que l’on peut créer un féminin pour toute fonction et une femme premier ministre serait donc ראשת ממשלה (rochat memchala), une maire ראשת עיר (rochat ir) et l’assistante du président de la cour suprême המשנָה לנשיא בית המשפט העליון (hamichna lenassi beit hamichpat haélyon).
Et si nous parlons de masculin et de féminin et de d’évolution sociologique ou linguistique, signalons quelques mots hébraïques ayant, avec toute la décence exigée, changé de genre au cours de leur long chemin d’existence…
C’est le cas du mot chemin (דרך, dérèkh), justement, aujourd’hui féminin alors qu’on le trouve au masculin dans Jérémie, Ezéchiel ou les Psaumes qui parlent de דרך אחר (derekh aher, l’autre chemin), דרך לא טוב (derekh lo tov, le mauvais chemin) ou דרך רב (derekh rav, le grand chemin).
Il en est de même des mots רוח (rouah = vent ou esprit) et שמש (shemesh = soleil), masculins dans la Bible et féminin aujourd’hui.
Le soir du Séder, nous buvons quatre verres de vin qui, du premier au quatrième, sont tous, selon la Michna, … au masculin : כוס ראשון שני שלישי ורביעי (kos rishon, shéni, chlichi et revii), alors qu’on boit aujourd’hui un grand verre de limonade … au féminin (כוס גדולה kos guedola).
Le mot שדה (sadé, le champ) est masculin dans la Bible et féminin dans la Michna. שָׂדֶה שֶׁקְּצָרוּהָ עַכּוּ »ם (Sadé shékatsroua akoum − un coin moissonné par des idolâtres), peut-on lire dans Péa II : 7, tandis que l’hébreu moderne revient au masculin biblique.
Et n’oublions pas le mot סכין (sakin, le couteau) qui peut indifféremment être employé au masculin ou au féminin.
Une chose est sûre, l’hébreu n’est pas sexiste !
Ce post est tiré du livre de Fabienne Bergmann, L’hébreu parle aux Français, Editions Lichma, disponible dans les librairies françaises d’Israël, en France et sur le site www.lichma.fr